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LE BERGER DE L’ÎLE DE NGOR: « QUELLE HUMANITÉ POUR DEMAIN ? »

Des artistes, il y en a partout. Au Sénégal, on en trouve à tous les coins de rues. Mais, qu’est ce qui fait de quelqu’un un artiste à suivre ? J’ai eu la chance de rencontrer Abdoulaye Diallo, connu sous le nom du « Berger De L’Ile De Ngor ». C’est un artiste peintre qui à débuter le 20 décembre 2011 sur l’ile de Ngor. C’est d’ailleurs sur cette ile que se trouve son atelier. Son nom d’artiste « Le berger de l’ile de Ngor » lui a été donné non seulement du fait de la présence animale sur ces toiles mais aussi de son lieu de travail. Il est également un ingénieur en télécommunication. Il travaille seul avec le concours de ses amis et de sa famille. Il a émis l’envie de continuer sur cette voix. Son atelier sur l’Ile de Ngor est ouvert à tout. Son travail est soutenu et parfois même inspiré par ses visiteurs. Cela lui permet d’échanger, de communiquer, ce qu’il apprécie énormément.

Son objectif est de devenir un peintre accomplis ; de faire rêver. Il aime inspirer les gens, booster les jeunes et les pousser à apprendre encore et toujours plus. Il a débuté son art sur fonds propres. Il ne voit aucune difficulté grâce à son état d’esprit. D’après lui, difficultés et obstacles se sont que des étapes à franchir pour continuer d’évoluer.  Il a atteint les résultats escomptés. Il est satisfait car ses objectifs sont majoritairement atteints. Il a réussi à faire connaitre son art à travers ses propres moyens et les médias. Il est motivé à continuer sur cette lancé. Selon lui, les qualités requises pour évoluer dans le milieu de l’art et de la culture sont la générosité, la recherche permanente, le savoir et le savoir-faire technique.

Lors de la biennale de Dakar 2018, il a fait une grande exposition à la bibliothèque de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD). Le thème ? « Quelle humanité pour demain ? »

Dans le cadre de son exposition, il a eu à traiter de plusieurs sujets mais surtout de l’émancipation et de la métamorphose. L’humanité est là. Elle change et subie des révolutions. Après l’avoir rencontré personnellement, je me sens à même d’expliquer plus amplement ce qu’il a essayé d’incarner à travers ses œuvres, son art.

Les changements sont partout et très présent au niveau technologique. Il s’agit de la technologie, l’intelligence artificielle, la mondialisation, les changement climatiques. Si l’homme ne se reconfigure pas pour s’améliorer et évoluer, comment va-t-il faire pour vivre, survivre et s’adapter ?  Il fait donc un inventaire et des rappels historiques qui traitent d’humanité comme l’esclavage, les femmes, la politique, c’est-à-dire la démocratie, sa finalité, le model politique parfait, la liberté ainsi que la conscience historique.

L’art que prône le Berger de l’Ile de Ngor est un art de revendication, un art brut. Soit on montre tout, soit on ne montre rien. Autrement dit, à travers la peinture, il montre de manière assez brutale ce qu’il veut exprimer. Les écrits qui accompagnent ses œuvres sont là pour les atténuer. De plus, il dénonce clairement des faits que lui considère comme une « humanité négative » tels que la pédophilie, les crimes, l’acharnement à fuir la mort, les pratiques néfastes à notre environnement et à nous même.

Il m’a également expliquer qu’être un artiste ne se résumait pas à peindre, mais qu’il s’agissait d’un tout de plusieurs vies. Par exemple, il faudrait être penseur, observateur, acteur, cultivée, peintre, dessinateur, etc.

* Moi admirant la toile « Demoiselles de Khoum Bouki » *

L’une de mes toiles préférées est celles des « Demoiselles de Khouroum Bouki ». Khouroum Bouki était une vallée entre Pikine et Thiaroye (Dakar- Sénégal). Il s’intéresse ainsi au plus vieux métier du monde qu’est la prostitution. C’était la vallée des hyènes, avant que les hommes ne s’intéressent. On l’appelle aussi la vallée de la débauche. Les hyènes ont cédé la place à la cruauté de l’homme qui n’hésitait pas à violer les femmes. Ces dernières devaient ensuite vivre avec le poids de la honte. Voilà ce que l’œuvre exprime ; les souffrances des femmes qui travaillaient malgré les viols, les agressions et les conditions pénibles pour subvenir à leurs besoins et à celui de leurs familles. Sur la toile, les hommes sont volontairement représentés par une tète hyène pour exprimer leur cruauté. Le plaisir est le fait de l’homme. Il est court et satisfaisant. C’est ce qui mène à des « humanités négatives ».

Avec d’autres toiles, il explore l’émergence, l’espoir, l’importance de la langue et de la culture, le savoir, la quiétude. Il conceptualise ses pensées. Il travaille avec un principe très simple ; ce n’est pas l’intelligence qui assure le résultat, mais la volonté.

Le Berger de l’Ile de Ngor est un homme plein de surprises. Il a intégré le secteur de l’art par passion. Lorsque je lui ai demander quel était son rêve d’enfance, à ma grande surprise, il me répond qu’il a toujours voulu être Serigne Mansour Sy, le grand frère de Abdoul Aziz Sy. Il expliqua que cet homme religieux l’inspirait beaucoup. De plus, son père s’habillait comme eux. Ainsi, il a maitrisé le coran en vue de devenir un bon « Talibé » comme don idole.

Très impliqué dans la société et activiste dans l’âme, le Berger m’a étalé sa satisfaction de voir autant de jeunes qui s’impliquent de plus en plus dans le secteur de l’art et de la culture. Il assure que sans culture, il n’y aurait pas de développement, ce qui est très plausible. De plus, une bonne transmission de culture et de partages d’art n’est pas égalable. D’ailleur, il conseille ardemment à la jeunesse sénégalaise de « meubler son cerveau pour s’arracher à la misère et a la pauvreté ». Il faudrait que l’on apprenne à se servir de tout et à pratiquer l’oubli de soi pour laisser place à la confiance en l’autre, et cela, l’Islam le lui a enseigné. Comme Albert Einstein la si bien dit, dans la vie, tout est 1% d’inspiration et 99% de travail. Il faut donc que nous, la jeunesse sénégalaise nous accrochions à cette idée et que nous fassions du travail un moyen d’atteindre nos objectifs.

Je me suis permise de lui demander ce qui était sa plus grande réussite et pourquoi. Il me répondit que c’était d’avoir trouvée une femme qu’il aime. Pour lui, le mariage est la réussite absolue. Il souhaite la restauration de « la notion de couple » qui a été entachée par toutes ces « humanités négatives » qui nous entourent.

Lors de l’exposition, j’ai vu un tableau intitule « Rock’n’roll ». Je n’ai pas pu m’empêcher de parler musique avec ce génie. Musique cubaine, classique, de toute génération, voilà ce qu’il aime. Et devinez quoi ? Il adore le rock. Je me suis sentis extrêmement bien de savoir qu’un tel homme aimait le rock au point d’en faire un tableau.

Est-ce que vous connaissez mieux ?

La photo de couverture a été prise par Richard K. De Medeiros

2 commentaires

  1. Merci Diatou pour cet article.

    1. Merci a vous 🙂

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